ENSEIGNER LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

2017. Communication présentée dans le cadre des rencontres du réseau ENSAÉCO sur l’enseignement de la transition écologique dans les ensa. Quelles pratiques collaboratives pour apprendre et entreprendre ? Les premières rencontres du réseau ENSA-ECO sont dédiées à de nouveaux comportements dans l’enseignement et les pratiques de l’architecture et de l’aménagement du territoire.

PAR FLORENCE SARANO

enseignante-chercheure TPCAU

ENSA MARSEILLE


L’ENSEIGNEMENT DE LA transition ÉCOLOGIQUE DANS LES ENSA, QUELLES PRATIQUES COLLABORATIVES POUR APPRENDRE ET ENTREPRENDRE ?

RENCONTRES

6-8 juillet 2017 – ENSA LYON

M

L’objectif est de dépasser la logique de la compétition et de la concurrence pour aller à celle de la coopération et de l’entraide, dans une attitude bienveillante. Les crises actuelles imposent de « prendre soin » : de l’Autre, des ressources, de la nature.

Les opportunités de collaborer avec les acteurs du territoire l’exemple d’un atelier hors les murs

Florence Sarano

extrait : Aujourd’hui les bouleversements et les incertitudes à l’échelle planétaires secouent totalement les pratiques architecturales d’hier, pourtant certains architectes, imaginent et investissent déjà des rôles nouveaux pour leur « avenir-immédiat ». C’est dans le contexte des enjeux de la transition écologique que s’inscrivent les futurs architectes car ils participent pleinement avec leurs compétences à imaginer des projets en collaboration avec des partenaires motivés. 

Définir l’architecture est une recherche permanente qui se développe à chaque époque, à chaque projet parce que le monde en mouvement a toujours besoin de se redéfinir. Cette impulsion continue est rythmée par l’alternance entre pensée et matière, conception et construction. Mais aujourd’hui avec les défis planétaires et le paradigme de la soutenabilité les questions sont posées collectivement : Quelles sont les valeurs de l’architecture ? Comment construire mieux avec moins ? Faut-il démolir ou ré-utiliser ? Quelle est la place de la nature ? Comment explorer notre interdépendance ? Comment mesurer les conséquences d’un projet ? Quelle peut être l’esthétique soutenable ?

Dans ce contexte ou la participation de chacun est indispensable le rôle de l’architecte ne peut plus être réduit à celui qui répond à un programme prédéfini par quelques-uns et auquel il n’aura pas participé. Parce qu’ils prennent positions dans la diversité des réalités pour concevoir des « projets-déclencheurs » loin des master-plan figés, ces architectes d’aujourd’hui imaginent des stratégies et des scénarios pour participer autrement au monde qui se construit trop souvent sans eux.

Pour cela, ils développent d’autres méthodes de conception sans oublier, simultanément, de relire l’histoire et de continuer à concevoir l’espace. Leurs références sont multiples du vernaculaire à la pensée de Yvann Illich et à la pensée territorialiste de Alberto Magnaghi.

ARGUMENTAIRE DU COLLOQUE : ENJEUX ET OBJECTIFS

Les crises actuelles imposent de « prendre soin » : de l’Autre, des ressources, de la nature. Pour gérer la complexité de la transition écologique et sociétale, une démarche holistique est essentielle. Elle s’accompagne d’une approche collaborative qui touche les étudiants entre eux, les étudiants et les enseignants, les architectes entre eux, mais aussi les architectes, les ingénieurs, paysagistes et acteurs d’autres domaines.

Consacrer ces premières rencontres au thème du collaboratif dans l’enseignement et les pratiques de l’architecture témoigne de la volonté des représentants du réseau de s’ouvrir à l’innovation. Inviter étudiants et jeunes diplômés à participer apportera un plus large écho, et favorisera la pérennisation de ce réseau.

L’objectif concret des rencontres est de définir, pour chacun des thèmes abordés et de manière participative, deux ou trois mesures « basculantes » à mettre en place à très court terme, afin de renforcer les enseignements relatifs à la transition écologique dans les écoles d’architecture. Dans la continuité de l’appel de Nancy lancé en 2006, ces mesures seront regroupées dans une déclaration commune, lue en clôture de la manifestation et signée par tous les participants, avant une large diffusion.

LE RÉSEAU ENSAÉCO

le réseau de l’enseignement de la transition écologique dans les ENSA, appelé « ENSAECO » se définit comme un « réseau pédagogique et thématique ». Il est soutenu par le Ministère de la Culture et de la Communication. Il a pour objectif d’initier et de poursuivre les réflexions autour de l’enseignement de la transition écologique dans les écoles d’architecture et de paysage, en fédérant en priorité les enseignants engagés dans cette thématique. Ces enseignants ont souhaité affirmer le réseau ENSAECO né en 2015, et le conforter par une dynamique collective.

L’APPEL DE LYON

Les premières rencontres du réseau ENSA-ECO, qui ont eu lieu à Lyon du 6 au 8 juillet 2017, ont montré la diversité et la richesse des innovations pédagogiques et des pratiques collaboratives pour apprendre et entreprendre. Au travers d’expériences pédagogiques créatives, le réseau a inventorié au cours de ces journées les ressources qui permettent la mise en place d’actions concrètes pour affirmer l’engagement des écoles.

La manifestation s’est terminée sur cet appel solennel aux étudiants et à tous les professionnels impliqués dans la formation des architectes, urbanistes et paysagistes.

Défi majeur du 21e siècle, la transition écologique implique une remise en cause profonde des pratiques politiques, économiques, sociales, culturelles et professionnelles. Pour conduire cette mutation, une approche holistique est essentielle.

La réponse du monde de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage à ce défi est une démarche écoresponsable. Au sein des écoles, il est nécessaire de dépasser la logique de la compétition et de la concurrence pour aller vers celle de la coopération et de l’entraide, du prendre soin des personnes et des lieux, dans une attitude bienveillante.

Cela induit aussi de nouvelles attitudes, des méthodes inventives et des solutions inédites pour fabriquer notre cadre de vie.

Enseigner aujourd’hui l’architecture, l’urbanisme et le paysage, c’est prendre part à ce vaste chantier collaboratif, qui touche les enseignants entre eux, les étudiants entre eux, les étudiants et les enseignants, les architectes entre eux, mais aussi les architectes praticiens avec les paysagistes, urbanistes, ingénieurs et acteurs d’autres domaines.

Les écoles doivent aussi porter, au-delà de leurs murs, un message éthique et technique sur l’écologie du projet, afin de préparer les futurs citoyens à devenir acteurs de la transition écologique.

Les sujets à aborder sont complexes. Les réponses doivent être rapides, créatives et généreuses. Elles sont légitimes si elles permettent une réinterprétation critique des savoir être, des savoirs et des savoir-faire ou la fabrication de nouveaux savoirs. Toutes sont dignes d’intérêt dès lorsqu’elles encouragent le partage des connaissances, la mutualisation des outils, la mise en commun des compétences et le retour d’expérience.

Pour assumer notre responsabilité face à l’avenir de l’humanité et de la planète, nous invitons tous les professionnels engagés dans la formation des futurs architectes, urbanistes et paysagistes, tous les étudiants ainsi que toutes les instances de gouvernance à soutenir, l’enseignement de la transition écologique dans les écoles, par la signature du présent appel.

APPEL ENSEIGNEMENT DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DANS LES ÉCOLES D’ARCHITECTURE ET DE PAYSAGE

Selon un processus collaboratif, les étudiants, enseignants et jeunes professionnels qui ont participé aux rencontres de Lyon ont défini sept axes pour déterminer des mesures « basculantes », et renforcer l’enseignement de la transition écologique dans les écoles d’architecture et de paysage. Des groupes de travail thématiques sur chacun de ces axes seront mis en place, dans le but de préciser les mesures « basculantes » issues de l’Appel de Lyon.

1- FORGER UNE ÉTHIQUE

L’aménagement de nos territoires, villes et bâtiments est l’un des vecteurs déterminants pour faire face à la crise environnementale et sociétale. Constatant le changement de paradigme induit par l’Anthropocène, nous proposons de forger une nouvelle éthique de l’enseignement de l’architecture et du paysage. Les écoles, incontournables dans cette aventure humaine et scientifique, se doivent d’être des lieux d’exemplarité au quotidien autant que des laboratoires d’expérimentations partagées.

2- CONSTRUIRE DES PROCESSUS PÉDAGOGIQUES COLLABORATIFS ET INTERDISCIPLINAIRES

De nouvelles pratiques pédagogiques doivent cultiver le « décalage » pour favoriser les processus collaboratif entre les étudiants et les enseignants, mais aussi entre les disciplines, aux échelles nationales et internationales. L’atelier de projet doit être réinventé de manière participative, et tisser des liens avec d’autres cultures et d’autres formations. L’enseignement doit valoriser l’individu et les différences au service d’un projet commun. Il est nécessaire pour cela de partager les ressources, les productions et les pratiques.

3- RENFORCER LA FORMATION DES ENSEIGNANTS AUX FONDAMENTAUX ÉCOLOGIQUES

Constatant que nos contenus, outils et compétences pédagogiques ne répondent pas suffisamment aux crises auxquelles nous sommes confrontés, nous appelons à la mise en place d’une formation rapide, massive et évolutive des enseignants. L’exigence est que chacun acquière une culture fondamentale pour que l’enseignement de l’architecture et du paysage absorbe entièrement la question écologique.

4- ABORDER LE PROJET COMME UN ÉCOSYSTÈME

Le projet doit être envisagé comme élément d’un écosystème territorial en perpétuelle mutation. Le concepteur devient ainsi ‘accompagnateur de démarches ascendantes et émergentes. L’enseignement doit établir un dialogue entre l’espace et le temps, ouvrant ainsi sur l’appropriation et sur un projet en processus. Cette méthode appelle des cycles de travail itératif et procède avec plusieurs outils, dont l’inventaire des ressources et des opportunités ainsi que la quantification.

5- METTRE EN ŒUVRE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE PAR L’EXPÉRIMENTATION ET LA RECHERCHE

La transition écologique suppose le renforcement d’un apprentissage par le faire, au travers de pratiques immersives et d’une expérimentation constructive et sensible. Les recherches liées à la transition écologique sont à soutenir, tant pour les enseignants que pour les chercheurs, doctorants et praticiens.

6- S’IMPLIQUER DANS L’ÉVOLUTION DES RÈGLES ENVIRONNEMENTALES

Les étudiants, enseignants, chercheurs et praticiens revendiquent leur capacité à trouver dans les processus d’innovation liés au projet, au-delà du cadre normatif et réglementaire, une part de la réponse aux enjeux de la transition écologique. Ils doivent prendre part aux réflexions visant à faire évoluer les règles environnementales avec les acteurs impliqués.

7- SOUTENIR LES NOUVELLES PRATIQUES ET RECONNAÎTRE LES NOUVELLES EXPERTISES

La reconnaissance des nouvelles pratiques et de la diversité des métiers des architectes et paysagistes qui pratiquent la transition écologique répond à une nécessité politique et à une utilité sociale, culturelle et environnementale, tout en constituant une opportunité économique. L’enseignement doit s’ouvrir à ces nouvelles pratiques, et renforcer l’expertise dans la formation pour permettre aux futurs professionnels de faire face rapidement aux enjeux patents de la transition écologique.


COMITÉ D’ORGANISATION

Eric ALBISSER (ENSA Strasbourg) / Catherine AVENTIN (ENSA Toulouse) / Jean Paul LAURENT-Hassan AIT HADDOU- Robert CELAIRE(ENSA Montpellier) / Aline BARLET – Régis LE NORMAND(ENSAP Bordeaux) / Olivier BALAY (ENSA Lyon) / Mohammed BELMAAZIZ (ENSA Marseille) / Stéphane BERTHIER (ENSA Versailles) / François BROUAT(ENSA ParisBelleville- COPIL) / Pierre-Antoine CHABRIAC (ENSA Saint-Etienne) / Anne D’ORAZIO (ENSA Paris-La-Villette) / Marc DE FOUQUET (ENSA Marne-la-Vallée) / Dominique GAUZIN-MÜLLER (personnalité extérieure – amàco) / Pascal GONTIER (ENSA Nantes) / Christophe HUON (ENSA Nancy) / Xavier LAGURGUE (ENSA Paris Val-de-seine)/ Rémi LAPORTE (ENSA Clermont-Ferrand)/ Philippe MADEC (ENSA Bretagne)/ Laurent MOULY (ENSA Normandie) / Nicolas NOGUE (MCC-COPIL) / Isabelle PHALIPPON-ROBERT (MCC-COPIL) / Pascal ROLLET (ENSA Grenoble- COPIL) / Dominique ROUILLARD – Robert LE ROY (ENSA Paris-Malaquais) / Dimitri TOUBANOS (COPIL) / Armelle VARCIN (ENSAP Lille) / Philippe VILLIEN (ENSA Paris-BellevilleCOPIL)/ Marie WOZNIAK (ENSA Grenoble- COPIL)