Elément d’un programme de reconversion d’un site portuaire à Goteberg, ce projet de bains public-sauna recycle différents matériaux de construction et de consommation tout en renouvelant la perception du lieu en mutation.
BAIN PUBLIC _ RAUMLABOR
Norvège _ Goteberg _ 2016
Frihamnen, le port industriel Göteborg, perd progressivement son caractère industriel et devient peu à peu un quartier de la ville, ouvert à la découverte et à son appropriation par les citoyens. L’état actuel de la transition, les traces de ses utilisations passées et les immenses espaces indéfinis qui caractérisent ce lieu lui donnent un attrait considérable pour imaginer et mettre en œuvre différents types d’activités culturelles.
Si les terres et les eaux sont polluées, il y a aussi une nature spontanée et fragile qui se développe entre l’asphalte, le béton et l’eau. De plus cette zone portuaire industrielle possède un patrimoine architectural constitué d’une série d’objets et de bâtiments fonctionnels fascinants.
Les quais, créés pour les manœuvres des navires perdront leur fonction antérieure dans le futur. La surface de l’eau représente la partie bleue du Parc Jubilee envisagé. Imaginer de nouvelles utilisations et de nouveaux types d’expériences, tels que des traits d’union entre l’eau, le territoire et le voisinage, est l’objectif crucial pour le développement de toute la région.
Pour atteindre une croissance urbaine durable à laquelle participe ce projet de parc portuaire spécifique (il en existe d’autres dans cette ville), la stratégie choisie est de préserver la mémoire du site en tentant de s’approprier les anciennes structures, à la fois physiquement et émotionnellement, en travaillant sur des interventions temporaires préparatoire à de nouveaux usages.
Établir la baignade dans cet environnement rude et hostile est, avant tout, un moyen d’en changer la perception: créer des espaces intimes, de nouvelles expériences de loisirs et la possibilité de communiquer entre différents groupes de personnes. Pour le moment la pollution de l’eau ne permet pas la baignade mais la mise en place d’activités de culture balnéaire enclenche et projette d’autres pratiques.
Les bains comme un forum.
Les bains publics étaient autrefois un lieu intense de rassemblement social dans nos villes. C’étaient des programmes propices pour la détente et le sport, mais aussi pour les discussions politiques, les accords commerciaux, l’érotisme, l’hédonisme et le crime. Cela a été perdu dans nos villes et remplacé par des bases de loisirs exposées au vent, les piscines et les spas publics. Nous considérons les bains comme des espaces générant un lieu social afin de rencontrer des gens, passer du temps ensemble et discuter de la vie. Les qualités sensorielles des bains nous offrent un espace où il n’y a ni concurrence, ni consommation, ni spectacle, mais où l’objectif est purement le partage du site, des pensées, de la jouissance et des bénéfices liés à l’eau.
La planification urbaine en tant que processus.
Travaillant à un niveau abstrait de planification urbaine, Raumlabor s’est spécialisé dans la planification dynamique. Son activation à travers l’usage en est l’approche centrale. L’utilisation multiforme de l’espace public est un moteur pour le développement de quartiers dynamiques, contemporains et flexibles. Nous cherchons à inventer de nouveaux usages et à impliquer le plus tôt possible les différents acteurs urbains dans les processus de transformation.
Conception basée sur l’immersion dans les lieux.
Raumlabor s’engage à gérer les lieux à échelle 1, en découvrant et utilisant ce que nous trouvons sur site. Avec ce processus nous apprenons des lieux et des manières de se les approprier avec les participants. Nous ne résolvons pas toujours les problèmes; nous mettons en place des processus permettant aux acteurs de mieux connaître, comprendre et utiliser la ville et ses dynamiques, ainsi que ses possibilités.
Construire ensemble.
“Vivre ensemble” n’est pas une fin en soi mais un processus.
C’est pourquoi il est important de planifier et de construire le prototype avec les personnes qui, à l’avenir, l’utiliseront et le géreront. «Construire ensemble» est également une occasion de réunir des personnes de différentes classes sociales et de différentes origines ethniques pour une expérience enrichissante. L’idée est de leur donner la possibilité de faire quelque chose qu’ils ne feraient jamais normalement: accroître leur mode de vie de citadin en leur donnant la possibilité de créer leur propre espace dans les villes.
Travailler sur le site.
Travailler avec notre équipe dans le port pendant plusieurs semaines a totalement changé notre perception du site.
Nous avons d’abord voulu connaitre toutes les personnes qui utilisent déjà l’espace. Ce ne sont pas seulement les gens qui y vont pour les activités suggérées, telles que le roller derby, les soirées cinéma et le groupe de jardinage. Ils incluent également des personnes qui apportent leurs propres instruments et leur passe-temps au port comme des drones télécommandés, des surfeurs d’asphalte ou des personnes qui s’y rendent pour s’entraîner à conduire des voitures ou des motos. Il y a également des utilisateurs fréquents et spontanés, tels que les joggeurs, les promeneurs de chiens ou les couples qui s’y rendent simplement pour se détendre et profiter du soleil couchant.
Cela nous a fait penser à l’ensemble de Frihamnen en tant que parc, alors que la majeure partie est goudronnée et qu’elle est encore sous-utilisée malgré son emplacement central dans la ville. Mais c’est déjà un espace qui dégage une atmosphère très particulière et très différente des autres espaces publics plus urbanisés de Göteborg. Il y a un sentiment d’ouverture et de potentiel dans ce vaste domaine.
Compte tenu de sa proximité avec le centre-ville historique, sa capacité à conserver cette distance est peut-être la caractéristique la plus fascinante du parc actuel. S’asseoir sur les quais en bois au bord de l’eau alors que les bateaux de pêche entrent avec leurs moteurs diesel lancinants procure la sensation d’être dans un espace très spécial. On imagine les grands navires qui passaient et cela permet de se connecter physiquement à la mer ouverte, créant une échelle différente d’espace de liberté.
Matériaux de construction.
Le choix des matériaux renforce la dramaturgie prévue pour les visiteurs du bain. Le métal froid et patiné à l’extérieur, fabriqué à partir d’équipement naval, il donne la sensation d’un édifice qui pourrait naturellement appartenir au site du port.
Le chemin en bois avec son motif, la connexion physique et visuelle entre les différents bâtiments, rappellent des morceaux de bois flottant le long du rivage.
Les bardeaux de mélèze de l’intérieur du sauna, fabriqués en placage épais, sont suffisamment minces pour réagir aux changements de température et d’humidité, de sorte que leur forme change en cours d’utilisation. L’espace chaleureux respire avec les visiteurs.
La composition du motif des bardeaux sur les murs et le plafond crée à la fois un espace enveloppant et qui concentre la vue par la grande fenêtre donnant sur la silhouette des grues et le paysage lointain du centre-ville.
Ce lien visuel entre le nouvel espace intime à l’intérieur du port “hostile” et la vieille ville a été dès le début un aspect crucial pour le choix du site.
